Comédie tragique
C’est une conseillère du Prince envoyée de l’autre côté de la frontière, qui déclare aujourd’hui être très « choquée ». Grâce à ses affables services, elle ne pensait mériter que prébendes, honneurs, interviews, applaudissements. Jamais elle n’aurait pensé être réveillée en sursaut au milieu de la nuit, parce qu’une de ses voitures avait été livrée aux flammes. Jamais elle n’aurait pensé courir un tel « risque », d’après elle « inattendu ». Au fond, elle est juste une diplomate, la représentante à l’étranger d’un État. Et qui pourrait bien lui en vouloir juste pour cela ?
D’évidence – à Athènes mais pas que –, certains considèrent tout haut-fonctionnaire d’État comme responsable des infamies commises par l’État qu’il représente. Une automobile engloutie par le feu a ainsi suffi pour irriter et perturber les collègues de la diplomate italienne, au point d’en faire une tragédie grecque (bien que, pour l’instant, sans fin mortelle). Parmi ces derniers, il y a ceux qui se déclarent « stupéfaits » face au manque de respect envers les institutions, et ceux qui se disent « inquiets » après avoir découvert n’être pas si inatteignables. Ah bon, la servitude volontaire n’est pas vraiment universelle ? Ah bon, les quartiers hyper-sécurisés construits par des régimes fascistes ne sont pas réellement inaccessibles ?
En tout cas, que les choses soient claires. Endommager les voitures d’une diplomate est un geste d’ « intimidation » ; enterrer un anarchiste en prison pour ses idées, non. Préparer et lancer quelques molotovs est un geste « inacceptable » ; produire et commercialiser des armements, non. Braver l’autorité est un geste « complètement injustifiable » ; dévaster l’environnement, polluer l’air, empoisonner la terre, non… Après les victimes qui se font auxiliaires des bourreaux, il manquait seulement les bourreaux qui se font passer pour victimes !
Et si les gendarmes n’ont pas de doutes sur la « matrice anarchiste » de cette attaque, nous non plus n’en avons pas sur la « matrice » de l’oppression sociale, de l’exploitation économique, de l’aliénation humaine, de la misère émotionnelle.
(tr. par sansnom)